Le procès commence à neuf heure du matin. Il s'agit de quelque chose de commun, les médias ne seront pas présent. Malgré la situation de la ville et le fait qu'elle devenait de plus en plus complexe avec le temps, la justice semblait être gérée par une main de fer. Le russe ne connaissait personne de ceux qui fréquentaient les lieux, n'ayant pas eu affaire à un avocat, un juge ou quelque personne que ce soit travaillant dans le domaine de la justice. Cela-dit, le costume et la cravate de laquelle s'était vêtu l'homme à l'apparence intimidante le faisait fondre dans le décors.

Il traversa la porte d'entrée, l'une des quatre portes en fait. Il s'agissait d'une porte vitrée au cadre doré, quelque chose d'assez fragile et pouvant aisément être défoncé. Malheureusement, quatre garde de sécurité, probablement des officiers de police, veillaient à l'extérieur du bâtiment. De plus, deux officiers étaient postés directement à l'intérieur, contrôlant certaines personnes au hasard.

Alexey passa l'entrée sans se faire contrôler. Peut-être n'avait-il pas l'air si louche, après tout. Mais il se rendit rapidement compte que l'affluence rendait tout contrôle efficace impossible. Quoi qu'il en soit, le russe n'avait pas d'arme sur lui. Il n'en avait jamais, il n'en avait pas besoin, mais un contrôle aurait été inutile. Il arrangea les manches de sa veste tandis qu'il traversait le grand hall au carrelage soigneusement nettoyé. Aussi brillant qu'une pierre précieuse, le sol était lui-même un ornement. Tout était beau, tout était brillant et bien entretenu. Ce type d'endroit, de beauté, était de plus en plus rare en Baïmak. Et Alexey voulait mettre la main dessus.

Avant d'arriver à l'entrée de la salle dans laquelle avait lieu le procès, le chef officiel des Kids avait aperçu sept garde de sécurité différents, faisant leur patrouille, marchant dans des directions plus ou moins logique et de manière plus ou moins régulière. Cette fois, il ne s'agissait pas d'officier de police mais bel et bien d'un service de sécurité standard. Alexey ne saurait trop dire lequel des deux était le plus problématique. Les gardes de sécurité avaient souvent de l'expérience dans l'armée ou le service de police. Bref, ils étaient tous de la même couleur.

Le russe arrangea sa cravatte tout en s'asseyant dans la troisième rangée. Les bancs étaient longs et brillaient tant ils étaient propres et régulièrement poncés. Leur bois grinçait quand même à la première rangée, probablement celle qui était le plus souvent éprouvée, tout à fait occupée alors que le juge éleva la voix, présentant le cas qui allait être discuté.

Celui-ci avait des lunettes de lecture, pendant au bout de son nez de cochon. Il était gros, avec un triple menton et gardait les yeux mi-clos, comme à moitié endormie. Il ne l'était pourtant pas, en témoignait sa prononciation pleine d'entrain, chantant presque son discours pourtant plus qu'ennuyeux.

" Nous appellerons l'accusé "Monsieur X" car il n'a pas désiré nous renseigner sur son identité alors qu'il fut arrêté, surpris par les autorité alors qu'il brisa la vitre d'un restaurant à l'aide d'un pied de biche. Lorsque les agents de police tentèrent de le maîtriser, monsieur X leur lança une chaise et leur cria dessus en russe. Des paroles qui se révélèrent signifier "Ne me touchez pas", suivis de diverses insultes et surnoms. "

Alexey ne réalisa pas tout de suite que chacun de ses mots était traduit par une jeune femme présente à ses cotés à l'attention du présumé coupable, assit sur une chaise qui semblait très petite, faisant directement face au juge et à ses assistants. Le squatteur sans nom était l'un de ses vieux maigrichons, barbus, avec un vieux t-shirt très moche et une veste en jeans avec une couche de coton à l'intérieur.

Son chef, le russe, sourit en entendant qu'il n'avait pas révélé son nom et élargit ce même sourire lorsqu'il apprit que son sbire avait lancé une chaise sur les hommes en uniforme. Étant donné que celui-ci n'avait pas de papiers et qu'il ne parlait pas finlandais, il allait probablement être confié au service adéquat du pays voisin qui allaient s'occuper de son cas. C'était là une pensée, une idée beaucoup moins amusante. Baïmak était trop petite et trop seule avec elle-même pour gérer ce genre de personnage sans attache et qui n'était même pas d'ici.

Alexey, dit "le russe", le savait pertinemment. Il s'agissait du troisième squatteur qu'il perdait ce mois-ci. Et ça non plus, ça n'avait rien d'amusant.

Un soupir, les poings serrés. Les plans d'Alexey étaient mis à rude et preuve. Sa réputation aussi. Nombreux furent les nouveaux associés qu'il se fit en annonçant son débarquement dans le sud de la ville. Il n'avait pas prévu que cette bande d'attardés prendrait les devants en venant le débusquer chez lui. Il s'agissait probablement de la chance des débutants, le timing étant parfait pour mettre à mal le début de sa guerre contre les rebelles. Alexey avala sa salive. Il resta calme en observant le procès, il n'écoutait plus ce qui se disait.

Le russe réfléchissait à ce qu'il fallait faire maintenant que les ennemis s'étaient montrés. Ils avaient montré les dents, prit ce qui appartenait aux kids. Le tout sans penser aux représailles, probablement. Car le groupe d'Alexey avait une véritable petite armée. Un claquement de doigt de la part de l'armoire à glace signait la fin des dits "rebelles".

" Prends tes gars et va chercher une vingtaine de russe en leur proposant une prime de, disons, 100 euros chacun. Je te retrouve là-bas. " répondit donc le boss du groupe, celui qui manipulait le jeu. Il avait le contrôle sur le plateau et bougeait les pions comme il le désirait. Lorsque Billy se leva pour quitter la pièce, Alexey pensa à faire de même. Mais il se devait de rester pour s'assurer que l'accusé garde le silence tout a long du procès.

Il resta donc une bonne demi heure de plus. Le manque de répondant de son squatteur lui a valu son retour en Russie. Celui-ci n'était probablement content de devoir retourner là-bas, mais tout ne lui manquerait pas en Finlande. Alexey ne lui manquerait pas. Il n'osa d'ailleurs pas le regarder alors que deux policiers le ramenaient vers la sortie.

Ramener ces sans papiers en Russie n'était pas une mince affaire. Ce pays en désaccord avec la Finlande, ayant fermé ses frontière, ne facilite en rien les choses. Tout prend du temps, du coups, un projet de camp pour les sans papiers à été mis en route. Ils vont construire des blocs, totalement fermés, où resteraient les immigrés en attendant de pouvoir retourner sur le territoire russe.

Il s'agissait là d'une bien mauvaise nouvelle pour Alexey. Le camp assurerait le confort et la sécurité de ceux qui y logeaient et ce pendant une période de plus ou moins un mois. Avec de la chance, cela pouvait durer jusqu'à trois fois plus longtemps. Pour ce genre d'individu, il s'agissait là du paradis. Loin de la Russie, loin du Russe, on pouvait dormir sur ses deux oreilles. Chacun de ses squatteurs tomberaient comme des dominos et l' "armée" des Baïmak's Kids maigrirait chaque jour.

Bref, le procès était terminé, l'accusé avait quitté les lieux et tout le monde remballait ses affaire en quittant leurs sièges. Le chef des Kids fit de même et attrapa son téléphone portable. Il composa un numéro, le connaissant parfaitement par coeur, et le colla contre son oreille.

" Billy, les rebelles sont dans la galerie. On doit changer les plans. "